Azali Assoumani, Pdt de L’UA: «J’espère que les Comores vont laisser leur empreinte»

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C’est une première dans l’histoire de l’Afrique : en 2023, l’Union africaine (UA) va être présidée par le chef d’État des Comores, Azali Assoumani. L’archipel des Comores est un petit pays de moins d’un million d’habitants, mais son président est ambitieux pour l’Afrique. Comment mettre fin à la guerre dans l’est de la République démocratique du Congo ? Comment réagir aux coups d’État en Afrique de l’Ouest ? Comment réconcilier l’Algérie et le Maroc ? Au lendemain de sa désignation au sommet d’Addis-Abeba, entretien avec le président Azali Assoumani.

RFI : Azali Assoumani, vous l’avez reconnu vous-même. Vous, président d’un petit pays par la taille et la population, venez d’être porté à la tête de l’Union africaine. Quels sont vos sentiments ?

Azali Assoumani : J’ai toujours dit que lorsque vous entrez, vous avez bataillé pour entrer, donc, vous êtes content. Il faut penser à la sortie. Donc, le sentiment de satisfaction, il est normal. Comme on l’a dit, surtout pour un pays dont c’est la première fois. Satisfaction parce qu’on a pu convaincre nos pays frères pour nous accorder ça. Donc, il y a deux satisfactions, c’est d’avoir le poste, puis aussi le lobbying qu’on a fait qui a réussi. Maintenant, effectivement, le vrai sentiment, c’est la sortie d’ici février 2024 et j’espère que les Comores pourront laisser une empreinte de leur passage dans ces fonctions.

Sur le plan de la politique intérieure, l’opposition comorienne s’est inquiétée de vous voir porté à la présidence de l’Union africaine. Mahamoud Ahamada, candidat malheureux à la présidentielle de 2019, que vous connaissez bien, a estimé que l’Afrique n’a rien à attendre d’un dirigeant « qui n’a jamais pu rien faire chez lui ». Quelle est votre réaction ?

Il faut lui dire quand même de suivre l’information. En 2018, les Comores ont été hissées des pays les moins avancés aux  pays à revenus intermédiaires, par la Banque mondiale. Peut-être qu’il n’est pas au courant, il faut le lui dire. Deuxièmement, le PIB par habitant est de 1 500 dollars par an. Sans prétention aucune, dans la région, il n’y a pas beaucoup de pays comme ça. Troisièmement, il y a eu le Covid, il y a l’Ukraine, il n’y a jamais eu de pénurie à Moroni. Il n’y a jamais eu une grève sociale sur le terrain qui réclame qu’on n’a pas ceci, qu’on n’a pas cela. Des gens qui ont attenté à l’État qui ont été condamnés, je les ai graciés. On ne va pas être prétentieux, ils peuvent dire ce qu’ils veulent, mais aujourd’hui, il faut condamner 54 pays de l’Afrique qui ont décidé de donner sa responsabilité à un pays comme le nôtre. Je crois qu’ils allaient au moins être fiers. Franchement, je n’y comprends rien dans cette affaire-là.

Monsieur le président, vous prenez la tête de l’Union africaine au moment où le continent fait face à des crises multiples au niveau sécuritaire, économique ou encore alimentaire. Parmi celles qui requièrent une solution d’urgence, il y a celle de la RDC et de la crise entre le Rwanda et la RDC. Il y a eu déjà plusieurs accords signés qui n’ont jamais été mis en application. Est-ce que celui qui a été adopté par le mini-sommet ici à Addis-Abeba va porter des fruits ?

Cette question est un peu complexe, comme vous dites. Mais, on a le Conseil de paix et sécurité de l’UA qui travaille dans ce domaine-là et qui fait des propositions à la Commission de l’UA et au bureau de la présidence, mon bureau personnel. Donc, on va voir les comptes-rendus, et puis on va appuyer. Pour cette crise, on a intérêt à trouver une solution. Donc, effectivement, je me fais un devoir de m’y atteler, mais en collaborant avec les gens.

Le gouvernement de Kinshasa, ainsi qu’une partie de la communauté internationale, continuent d’assurer que le M23 est soutenu par Kigali. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Non, je ne peux pas répondre à la question. On ne peut pas être juge et partie. On ne peut pas d’emblée dire ceci ou cela. Il faut qu’il y ait les éléments, c’est ce qu’on peut dire à la radio. Et dans les éléments, il y a des choses qu’il faut dire discrètement pour plus d’efficacité, et quand on aura fixé, on va se réunir et c’est là qu’on va taper. Mais je pense que maintenant, j’ai le devoir de discrétion pour beaucoup plus d’efficacité.

Le sommet des chefs d’État s’est dit très préoccupé par la situation sécuritaire de plus en plus alarmante dans le Sahel. Comment va faire l’Afrique pour vaincre les jihadistes, est-ce que c’est encore possible ?

C’est possible. Rien n’est impossible. Il faut s’y atteler. Le constat, c’est qu’il y a eu, je ne dis pas des échecs, mais on n’a pas réussi à maîtriser la donne. Moi-même, dans un cadre un peu officieux, j’ai reçu des responsables de ces pays, on a discuté. Et je les ai rassurés de mon entière disponibilité à essayer de les aider, parce qu’il y a deux phénomènes, c’est le changement constitutionnel, mais aussi il y a le terrorisme, parce que là, on ne peut pas résoudre l’un sans l’autre… Il faut les deux. Parce qu’aujourd’hui, on fait des élections et le terrorisme aussi est là, ça peut malheureusement reconduire à ça. Pourquoi ? Ce sont deux fronts et ce n’est pas facile de s’occuper de deux fronts. Il va falloir s’y attaquer pour y arriver. Mais j’ai bien discuté avec eux et avec Moussa Faki [président de la Commission de l’Union africaine, Ndlr]. On va se mettre d’accord pour voir comment on va continuer les discussions que j’ai commencées avec eux pour avoir un résultat.

Le Mali, le Burkina Faso et la Guinée sont aujourd’hui dirigés par des régimes militaires qui sont issus de coups d’État. Est-ce à dire que les régimes militaires pourraient peut-être réussir là où les régimes démocratiques ont échoué ?

C’est une provocation. Je ne réponds pas à une provocation (rires). Les militaires et les civils sont des humains. Ils ont chacun des devoirs. Donc, effectivement, ce n’est pas impossible. Si vous regardez l’histoire, il y a des militaires qui ont réussi. Nous, ce qu’on espère puisqu’ils sont là, c’est qu’ils réussissent dans le sens de la démocratie et de l’État de droit. S’ils réussissent comme ça, tant mieux. Au contraire, on va les décorer. Qu’il soit militaire ou civil, celui qui fait un acte mémorable, il va falloir le féliciter. Et puis lui dire, en tant que militaire, qu’il ne faut pas répéter cela.

À ce propos, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, a estimé que les sanctions contre les régimes putschistes ont été inefficaces. Qu’est-ce que vous, vous en pensez ?

C’est un constat. Donc, maintenant, c’est vrai, on a pris des mesures contre ces pays-là. Quel est le résultat ? Ne pas abandonner. C’est pourquoi il faut voir : on a fait cela et ça n’a pas réussi, comment on peut faire autre chose. Faire des sanctions, mais aussi continuer le dialogue pour que ces sanctions donnent des résultats. Mais on ne peut pas donner des sanctions et se retirer et attendre les résultats. Vous attendrez longtemps. Les putschs qui ont des éléments de terrorisme et des éléments d’insécurité, c’est là qu’effectivement, il faut essayer d’approfondir. Donc, j’ai suivi ce que Moussa Faki a dit et on s’est mis d’accord qu’il va falloir appuyer la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, Ndlr] pour voir le plus vite possible comment on peut trouver une solution à ce problème.

L’Union africaine a également pris des sanctions contre ces pays. Est-ce que vous êtes pour les lever ?

Non. Je suis dans la continuité de l’Etat. Comment aujourd’hui, je peux avoir des responsabilités et effacer ce qui a été fait ? Non. Maintenant, j’assume et c’est à moi de perfectionner. L’Union africaine effectivement a délégué ses pouvoirs aux commissions régionales, elle est obligée d’assumer les responsabilités qui ont été prises. Maintenant, Moussa Faki et moi, c’est à nous d’approfondir, d’accompagner pour qu’il y ait plus d’efficacité sur ces questions-là.

La question du Sahara occidental continue de plomber les réunions de l’Union africaine avec les différents bras de fer entre l’Algérie et le Maroc qui bloquent de nombreuses décisions, comme on l’a vu déjà hier. Alors quelles sont les solutions que vous préconisez ? Est-ce qu’il y a moyen d’en sortir ?

Il faut qu’on en sorte. Ce sont deux pays africains, deux pays voisins, mais avec de grandes potentialités pour l’Afrique, que ce soit le Maroc ou l’Algérie. On n’a aucun intérêt à ce que ce conflit perdure. Ce n’est pas facile. Parce que, quelle que soit la solution qu’on propose, il faut convaincre les deux pays, et y compris le concerné, le Sahara, qu’on peut arriver à trouver ce modus vivendi.

Il y a le choix entre un référendum des Nations unies et  une autonomie, comme le propose le Maroc. Qu’en pensez-vous ?

Je ne pense rien pour le moment. Je vais approfondir. Effectivement, il y a deux propositions qu’il va falloir approfondir. Pour l’instant, ce n’est pas le moment de se prononcer sur cette question-là en tant que président de l‘Union africaine justement, surtout pas.

RFI

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